"Guérir" nos histoires avec la thérapie narrative

Jérôme Noujaïm
8 févr. 2023
3 min de lecture

Dernière mise à jour : 9 juil.

La thérapie narrative pour déconstruire et reconstruire les récits qui organisent nos expériences de vie

"Les histoires, bien plus que de simples récits personnels, structurent et façonnent notre vie. Raconter, se raconter, c’est exister."

Serge Mori*

L'identité narrative ou la fonction psychologique de nos récits

L'IDENTITÉ NARRATIVE EST UN CONCEPT ÉLABORÉ PAR PAUL RICOEUR et qui nourrit la pensée de la thérapie narrative : ce sont les récits que nous construisons pour organiser nos expériences de vie qui conditionnent notre vision du monde et par conséquence nos actions. Ces récits ont une fonction psychique car ils nous permettent de comprendre le monde qui nous entoure, nos relations (les autres) et nous-mêmes dans ce système.

Cette vision du psychisme correspond à la vision des constructionistes selon lesquels la réalité se construit socialement, à travers le langage : nos réalités existent en effet dans et par la narration que nous élaborons avec les autres, et sont maintenues dans les histoires que nous racontons, celles que nous racontons aux autres et avec les autres.

Dans la mise en intrigue de soi en tant que personnage d’un récit que l’on raconte aux autres par les activités narratives, nous nous construisons en effet, une identité narrative (Ricoeur, 1990). L'identité narrative révèle alors une vie psychique en mouvement où le sujet n’occupe pas une place fixe mais recherche son identité dans la narration. La pensée narrative consiste à construire – déconstruire des histoires qui ont trait à la compréhension que nous avons de nous-mêmes, des autres, et du monde. Serge Mori

La fonction du récit est donc vitale, comme l'explique le psychologue Jérôme Bruner qui y a consacré une grande partie de ses recherches. Selon lui, nous ne pouvons pas vivre sans nous expliquer à nous-mêmes quel est le sens de ce qui survient, et nous construisions ce sens en fonction des contextes environnementaux dans lesquels nous évoluons, de nos expériences positives et négatives :

Quel rapport avec notre goût pour le récit ? Celui-ci offre aux hommes le moyen de se raconter ce qui n’a pas fonctionné dans un plan, et de revenir ainsi sur les espoirs déçus. Grâce à lui, nous pouvons domestiquer l’erreur humaine et la surprise. Il permet même de donner à toutes nos mésaventures une forme convenue, celle de genres : il peut s’agir d’une comédie, d’une tragédie, d’une histoire romanesque, en somme réduire tout ce qu’il y a d’accidentel en nous. Jérôme Bruner

Co-construire un nouveau récit, en collaboration

Ce qui nous intéresse en Thérapie narrative est la capacité de chacun a pouvoir réorganiser son récit personnel, dans une relation de collaboration, afin de se libérer du carcan des discours dominants saturés par les problèmes auxquels nous sommes confrontés. Cette capacité qui lie imagination et créativité est aussi une composante de la nature humaine :

Grâce au récit, nous construisons, nous reconstruisons, et même, d’une certaine manière, nous réinventons le présent et l’avenir. Au cours de ce processus, mémoire et imagination se mêlent. Jérôme Bruner

Ce travail de co-construction de l'identité narrative qui permet de se reconnaitre dans une nouvelle histoire adaptée à soi, libérée des expériences négatives qui conditionnent notre prévisibilité et donc nos comportements, est libérateur mais aussi réparateur. En cela, la thérapie narrative est un accompagnement dans lequel chacun peut se découvrir à nouveau et créer du sens dans un esprit de liberté et de responsabilité.

Il ne s’agit pas d’un patient à guérir mais d’un sujet à entendre quant à l’orientation ou la réorientation de son désir. Le thérapeute narratif invite le patient à se rassembler contre le problème qui opprime sa vie. Serge Mori

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